L'Atout McQueen.

Lorsque l'inénarrable Lee Alexander McQueen nous quittait l'année passée, la sphère fashion était plus qu'inquiète en ce qui concernait sa succession. Tout le monde se demandait qui serait réellement capable reprendre les rennes abandonnées par le génie. Alors que certaines rumeurs annonçait Gareth Pugh, les plus sceptiques suggéraient que PPR, propriétaire du label, le ferme tout simplement afin que l'héritage ne soit jamais entaché. Trop peu pour les dirigeants du groupe : la maison McQueen méritait de continuer à vivre - le regretté créateur l'aurait voulu ainsi  - et leur choix est apparu comme une évidence : Sarah Burton, bras droit du maître depuis quinze ans. 


Pendant qu'Alexander McQueen s'attelait à livrer des collections magistrales dont plusieurs s'inscrivent dans les annales, elle était là tapie dans l'ombre et apprenait tout. "Je suis entrée dans cette maison comme stagiaire alors que j'étais encore étudiante à la St Martins School de Londres. Et je ne suis plus jamais repartie. Il m'a tout enseigné" confie t-elle. Pour son premier défilé de prêt-à-porter printemps-été 2011, tout le monde l'attendait alors au tournant. Un défi plein de pression et d'angoisse qu'elle releva pourtant avec brio. Dans la pure tradition McQueen, sans pour autant s'enfermer dans un éternel hommage, son travail possède la même exigence technique dont Lee avait fait une priorité avec cette notion de fantasque propre à la maison. Toutefois, il est carrément impossible de ne pas noter ce supplément mélioratif de féminité que Burton justifie avec beaucoup d'humilité : "sans doute est-ce simplement parce que je suis une femme". Les codes maison sont adoucis mais pas dénaturés. Comme par le passé, le défilé est une exploration d'un thème précis plutôt qu'un simple vestiaire à tendances. Ici, la créatrice nous entraîne dans une balade dans la nature, la vraie, fragile, dynamique et magnifique à la fois. Au fil des passages, les pièces apparaissent comme des performances isolées telles que ce modèle corseté en paille véritable, ourlée d’épis de blé ou encore la majestueuse robe entièrement faite de plume.

(Printemps/Eté 2011)

Dévastée par la mort de son mentor, Burton a longuement hésité lorsqu'on lui a proposé de reprendre la direction artistique : "la vision de Lee était tellement différente de celle de tout le monde. Je ne pouvais pas prétendre faire ce qu’il faisait. Mais je me suis juste dit : Pourquoi Lee a-t-il fait tout ça ? Juste pour que l’on arrête son œuvre ? J’ai donc réfléchi à ce que je voulais vraiment. Ce qui était le mieux pour moi. Comme beaucoup de femme de mon âge, je voudrais faire des enfants, mais j’ai pensé que ce n’était pas une raison de ne pas relever ce challenge. Finalement, j’ai décidé de le faire avec cette idée en tête : faire de mon mieux." Et, heureusement qu'elle a pris cette décision car elle dépasse même les espérances de tous, ce qu'elle prouva lors de son second défilé à la Fashion Week parisienne pour l'automne-hiver 2011/2012. Dès les premières silhouettes, on se retrouve tout d'abord subjugués par la sensibilité que l'anglaise apporte à la maison. Puis, c'est l'incroyable savoir-faire technique superbement maitrisé qui laisse sans voix. Cet opus, qui tient davantage de la haute couture que du prêt-à-porter, comprend des modèles à l'aura magique et fédérateurs de rêve. Tout est parfait. Que ce soit la robe à corset entièrement composé de bris de porcelaine bleue à fond blanc sur une grande jupe écumante de mousseline ou encore les manteaux et les tailleurs en tweed, impeccablement coupés, relevés à coups de plumes et de fourrure. Les souliers non plus ne sont pas en reste : ces chaussures comme sculptées aux allures folles et architecturales complètent à merveille ce vestiaire d'une force émouvante et délicate. Sarah Burton parvient à redonner toutes ses lettres de noblesse au mot luxe. 

 (Automne/Hiver 2011/2012)

Après ces deux excellentes performances, sans compter les collections masculines, les pré-collections et le vestiaire de la seconde ligne McQ tout aussi magistralement exécutés, elle a réussi a balayé d'un revers de main toutes les incertitudes qui pouvaient persister. Comme elle le dit elle-même, perpétuer l’œuvre d'Alexander McQueen est une seconde nature chez elle. "Son ADN est moi", clame t-elle. Nonobstant, cela ne suffit pas. Elle devra toujours aller plus loin, c'est-à-dire conserver la politique propre à la marque, tout en continuant à explorer sa propre personnalité, son imagination, à dépasser ses limites et à surprendre. Et çà, elle en est très bien consciente :"il y aura toujours des éléments McQueen mais, en même temps, vous devez rester honnête avec vous. C’est ce que Lee m’a toujours martelé : ‘On doit pouvoir te voir derrière ton travail.’" Adoubée par la critique et les clientes dont l'héritière Daphne Guinness, elle connait même la consécration en habillant Kate Middleton pour son mariage avec le Prince William d'Angleterre. C'est dire qu'elle assure un avenir radieux à la maison laissée orpheline un an plutôt. Et même si elle n'aura jamais la prétention de l'affirmer : le nouvel enfant terrible de la mode, c'est bien elle. 

 (Automne/Hiver 2011/2012)

1 commentaire:

LOLA a dit…

Elle est définitivement le bon choix pour la maison. De plus, elle enmene une notoriété nouvelle a McQueen. Elle me rappelle un peu, dans son parcours, TATA DONATELLA V même si, Donatella bénéficie d'un statut d'icone, Drama Queen et survivante qui la rend adorable.
j'ai vraiment hâte de voir ce que Burton proposera dans le futur. Il ne fait aucun doute que le show McQueen sera l'un des plus attendu de la prochaine Fashion Week.